• France mère des arts...

     

     

     

     

     

    France, mère des arts, des armes et des lois,
    Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
    Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
    Je remplis de ton nom les antres et les bois.

    Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,
    Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
    France, France, réponds à ma triste querelle.
    Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

    Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine,
    Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine
    D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

    Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture,
    Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
    Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

    Joachim du Bellay


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  • Mignonne allons voir...

     

     

     

     

     

     

    Mignonne, allons voir si la rose
    Qui ce matin avoit desclose
    Sa robe de pourpre au Soleil,
    A point perdu ceste vesprée
    Les plis de sa robe pourprée,
    Et son teint au vostre pareil.

    Las ! voyez comme en peu d'espace,
    Mignonne, elle a dessus la place
    Las ! las ses beautez laissé cheoir !
    Ô vrayment marastre Nature,
    Puis qu'une telle fleur ne dure
    Que du matin jusques au soir !

    Donc, si vous me croyez, mignonne,
    Tandis que vostre âge fleuronne
    En sa plus verte nouveauté,
    Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
    Comme à ceste fleur la vieillesse
    Fera ternir vostre beauté.

    Pierre de Ronsard.


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  • Pontus de TYARD

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    A cet anneau parfait en forme ronde,
    Ensemble et toi, et moi, je parangonne.
    La foi le clôt : la foi ne m'abandonne.
    Son teint est d'or : moins que l'or tu n'es blonde.

    S'il est semé de larmes : trop abonde
    L'humeur en moi, qui proie au deuil me donne.
    Si un écrit au dedans l'environne
    Tu m'es au coeur en gravure profonde.

    Sa foi retient un diamant lié
    Et mon service à toi tout dédié
    T'arrêtera ; tant sois cruelle, ou dure,

    Et puis, ainsi que ni force, ni flamme
    Peut consumer un diamant, (Madame)
    Malgré tout sort sans fin mon amour dure.

    Pontus de TYARD


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  • Jacques PELLETIER DU MANS

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Elle m'avait un jour mon coeur rendu,
    Non pas rendu, prêté, que dois-je dire ?
    J'avais mon coeur, et moi fier et de rire
    Comme d'un don des hauts cieux descendu.

    Mais, ô dur prêt, je l'ai brièvement dû,
    Car tout soudain elle à soi le retire
    Puis le me geint et puis le me martyre.
    Ris malheureux, que tu m'es cher vendu !

    Que pensait-elle ? éprouver la mesure
    De moi sans coeur et de moi coeur ayant ?
    Non, mais plus tôt se payer de l'usure

    D'un mien ris bref, et me faire croyant
    Que je ne dois, ni peux, ni ose
    Sans son congé penser aucune chose.

    Jacques PELLETIER DU MANS


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  • Jean DORAT

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Qu'est il besoing de tant la Paix crier
    Par les cantons des villes et villettes ?
    Qu'est il besoing d'huissiers ne de trompettes
    Pour la Paix faicte en France publier ?

    Il vaudroit mieux, en criant, Dieu prier
    Qu'il la gardast de troubles inquietes ;
    Il vaudroit mieux en chantant chansonnettes,
    Vive le Roy porte-paix, s'escrier.

    Sans autre bruit assez est publiée
    La Paix, de ceux, qui mille et mille fois
    La desirans ont faict si grans aboys.

    Sans autre cry assez ja est criée
    La Paix, de ceux, qui l'ont si hault priée,
    Que Dieu au ciel en a ouy la voix.

    Jean DORAT


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  • Rémy Belleau

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ainsi, ma douce guerrière
    Mon cœur, mon tout, ma lumière,
    Vivons ensemble, vivons
    Et suivons

    Les doux sentiers de la jeunesse :
    Aussi bien une vieillesse
    Nous menace sur le port,
    Qui, toute courbe et tremblante,
    Nous entraîne chancelante
    La maladie et la mort.

    Rémy Belleau.


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  • Etienne JODELLE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Comme un qui s'est perdu dans la forest profonde
    Loing de chemin, d'orée et d'adresse, et de gens :
    Comme un qui en la mer grosse d'horribles vens,
    Se voit presque engloutir des grans vagues de l'onde :

    Comme un qui erre aux champs, lors que la nuict au monde
    Ravit toute clarté, j'avois perdu long temps
    Voye, route, et lumiere, et presque avec le sens,
    Perdu long temps l'object, où plus mon heur se fonde.

    Mais quand on voit, ayans ces maux fini leur tour,
    Aux bois, en mer, aux champs, le bout, le port, le jour,
    Ce bien present plus grand que son mal on vient croire.

    Moy donc qui ay tout tel en vostre absence esté,
    J'oublie, en revoyant vostre heureuse clarté,
    Forest, tourmente, et nuict, longue, orageuse, et noire.

    Etienne JODELLE


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  • Jean-Antoine de Baïf

     

     

     

     

     

     

     

     

    L'Amour qui me tourmente
    Je trouve si plaisant
    Que tant plus il s'augmente
    Moins j'en veux estre exemt:
    Bien que jamais le somme
    Ne me ferme les yeux,
    Plus amour me consomme
    Moins il m'est ennuyeux.

    Toute la nuit je veille
    Sans cligner au sommeil,
    Remembrant la merveille
    Qui me tient en éveil,
    Me representant celle
    Que je voy tout le jour,
    De qui l'image belle
    Travaille mon sejour.

    Toute nuit son image
    Se montre devant moy:
    Le trait de son visage
    Tout tel qu'il est je voy:
    Je voy sa belle bouche,
    Et je voy son beau sein,
    Ses beaux tetins je touche,
    Et je baise sa main.

    Jean-Antoine de Baïf


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  • Joachim DU BELLAY

     

     

     

     

     

     

     

    Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
    Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son âge !
    Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
    Fumer la cheminée, et en quelle saison
    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?
    Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
    Que des palais Romains le front audacieux,
    Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :
    Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
    Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
    Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

    Joachim DU BELLAY


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  • Pierre de Ronsard

     

     

     

     

     

     

     

     

    Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
    Assise auprès du feu, devisant et filant,
    Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
    Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.

    Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
    Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
    Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,
    Bénissant votre nom de louange immortelle.

    Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
    Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
    Vous serez au foyer une vieille accroupie,

    Regrettant mon amour et votre fier dédain.
    Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ;
    Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

    Pierre de Ronsard.


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