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C'est difficile de se passer de poésie... je vais donc me permettre de baliser de temps à autre cette "pause" par quelques textes. Celui-ci, de Monique Domergue est paru il y a une vingtaine d'années dans un très beau livre "Le siècle s'effondre" (Jacques Brémond).
Je n'écris, dit Monique Domergue, que pour être lue à haute voix, et l'on pourrait dire en effet que ses livres font écho à cette approche de l'écriture.
« …
demain nous remettrons
nos vêtements de pluie
semblables aux sources
dans les larmes
nous irons
le soleil
gardien des traîneaux
nous écoute
dans la fidélité des jours
pour le passant
il y a place
nous avons découvert
un fabuleux trésor
copeaux de neige
dans le vent
et sons nouveaux
dans les stridences
et folie d'astronautes
nous avons découvert
dans le blé
plus petit que le blé
et dans les visages
le regard poreux
nous irons
sans richesse
et sans haine
étoilés
entre deux mondes
à jamais prisonniers
à jamais libérés
des fantômes et des peurs
à jamais possesseurs
de double identité
et nous tirant
nous-mêmes
au chemin de halage
comme un rite accompli
en début de prière
assis sur nos talons
fixant la braise
nous partirons
pour un voyage
qui se fera
les yeux fermés
nous nous arrêterons
au seuil de l' ouïe-dire
fronton de paille
berger nourri de manne
nous serons forts et seuls
ainsi nous passerons
tous clandestins
des corridors de l'aube
aux parloirs de la nuit
tous en exil
chasseurs de têtes
ou passereaux
il faudra bien alors
se regarder en face
demain
nous parlerons
wolof ou tamoul
nous serons sans patrie
et porterons pour tout drapeau
les feuilles vertes
de nos visages. »
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Depuis mars 2020 plus de 400 poèmes, pour la plupart d'auteur(e)s différent(e)s, ont été mis sur ce blog. Il est temps de marquer une pause pour envisager d'autres critères de publication :
- passer de un texte par jour à un texte par semaine ?
- proposer des "séries" sur un thème, une époque, une forme ou un(e) auteur(e) ?
- publier davantage de textes écrits en atelier ?
...?
A bientôt pour la suite de ces "aventures poétiques"
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Toujours d'actualité Arthur Rimbaud !
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
Telle la prairie
A l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies,
Au bourdon farouche
Des sales mouches.
Qu'il vienne, qu'il vienne,
Le temps dont on s'éprenne.
Arthur Rimbaud
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Née à Paris pendant la seconde guerre mondiale. ses parents, des émigrés hongrois ont fui le fascisme de leur pays en 1925. Sa rencontre avec Guillevic en 1962 sera déterminante pour son devenir de poète. Elle n’a cessé d’animer des ateliers de poésie dans divers lieux. Depuis quelques années elle anime, à Paris, le "Mercredi du Poète" où sont reçus les poètes contemporains dans toute leur diversité.
[. . . C’est comme si chaque jour s’absentait. Qu’une ombre disparaisse et c’est déjà lumière
Chaque jour s’absente et peu à peu l’ombre couvre de son linceul le grouillement des insectes, le coassement du crapaud. La douleur capture des zones inconnues, brise la paix nocturne, ensevelit la lumière promise.
Mais quelle promesse teinte ainsi la terre quand le regard mouille les feuilles, quand tout s’ensevelit sous le poids des heures et que la main palpite doucement au toucher de l’écorce.
La lumière dilue le paysage et c’est un linge de brume qui installe son territoire, déterminant l’opaque à la durée du jour, basculant dans la nuit comme au passage silencieux du puma en forêt, sans un bruit, sans un écho. …]
[… Mais à ruminer le poème, creuser la matière, ne respirer qu’au rythme d’une harmonie trouvée, il y a péril. Écouter le monde c’est crier avec lui, c’est montrer présence au chaos.
Ce serait comme si de nouveau le temps s’absentait pour faire place à l’aventure d’un autre monde…]
Monique W. Labidoire
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Né en 1935 dans les Yvelines, Robert LORHO est agrégé de lettres modernes, professeur honoraire de chaires supérieures. Il enseigna la littérature française à Paris en classes de "khâgne". Robert LHORO prend le pseudonyme de Lionel RAY en 1970, Il est président de l’académie Mallarmé et membre de l’académie européenne de poésie.
L’icône Espérance
Il y a le bleu des brèches et des horizons pâles
Il y a que je pense à un figuier comme
A la perfection du sommeil
Il y a que le ciel penche au-dedans de nous
Et se relève : il y a la jeunesse des eaux.Il y a une icône au fond d’un temple
Et le temps qui s’inscrit tout entier en toi
Il y a ce poème qui te ressemble
Une rose à jamais pure
Rose noire la rose de ta voix.Il y a une arche au-dessus du froid
Quelque chose qui respire tout près d’ici
Je t’écoute est-ce toi est-ce moi
Il y a une source qui ne finit pas.Lionel Ray
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Chloë Rolland est traductrice. Elle a complété une maîtrise en études littéraires sur l’écrivain suédois Göran Tunström. Elle participe à La Traversée – Atelier québécois de géopoétique depuis les tout débuts. Elle a publié de nombreux poèmes et courts textes dans diverses publications. La flânerie est le modus operandi de la plupart des actes de création qu’elle commet.
DANS LE JARDIN DES MOTS...
Dans le jardin des mots
verrouillé de sourires fragiles
trébuche une phrase malencontreuse
du gravier sur la langue
et voilà tu t'en vas
une corneille pose sa lanterne noire
sur les volutes du portail
signal d'alarme
attends encore un peu
que la pluie vienne
et apaise ce jardin
dans l'obscur
oratoire des herbes
où tu t'éloignes
la main indigo
de la nuit
douce et barbare
allume un instant
le regard suspendu
du renard
la lisière de la page bleutée
le bord des mots d'où l'on s'absente
tout devient rivière d'oiseaux
tout devient ruisseau d'ailes
l’histoire s'ébouriffe
les lettres font le gros dos
et la phrase lâche prise
le ciel est plumeux de paroles en l'air
une poignée de grains noirs jetée
pour être à la page
ce qu'un semis de mots est au silence
une floraison
pour être à la page
ce qu'une pluie soudaine est au sable
une vague nouvelle pleine et déliée
pour être à la page
ce qu'un chuchotement de pas est au seuil
une attente qui se nomme
pour être à la page
ce qu'un pollen d'étoiles est au ciel
une vendange d'or
que la nuit soulève et que le jour disperse
Chloé ROLLAND
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Jacques Rancourt est né à Lac-Mégantic, au Québec, en 1946 et vit depuis 1971 à Paris. Co-auteur en 1973 du panorama La poésie contemporaine de langue française depuis 1945, il a obtenu en 1976 un doctorat de lettres modernes avec une thèse sur la poésie africaine et antillaise de langue française. Il a publié près d’une trentaine de recueils de poèmes et livres d’artiste, des anthologies, ainsi que des essais sur la poésie et sur la traduction.
FIL D’HORIZON
Sur ce fil d’horizon
simple
sur cette nuit d’horizon
il y a une pleine lune qui se joue au ballon
il y a la lumière d’une journée lourde
qui s’évapore dans l’air noirciSur cette lame d’horizon
vont périr
les grands débats du petit jour
les idées courtes d’après la sieste
il y a la ligne des épaules
qui se réjouit de tant de calme
il y a le fond du cœur
qui se déleste de ses scoriesSur cet arc d’horizon
vient se greffer
le tissu distendu des étoiles
l’univers en lui-même
commence ici
par cette lumière quasi parfaite
le cœur grésille
sous la ligne des épaules
la ligne des épaules
oscille
dans l’axe de sa galaxieJacques Rancourt
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Les poèmes de Sigurbjörg Thrastardottir (islandaise) ont été traduits en douze langues. Elle collabore régulièrement avec des artistes, photographes et musiciens, notamment avec le groupe Metropoetica.
NUIT BLANCHE
impossible de dormir
tourner et se retourner
pêcher des poissons bouffis
attendre que ça ne
rêve plus
marcher dans le calme du gel
en robe de tulle
aleviner des poissons belettes
dans un sentier de lune
entrer en soi
se tâter
sombrerSigurbjörg Thrastardóttir
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