• Stéphanie Bodet

    Stéphanie Bodet, née le 14 mars 1976 à Limoges, est une grimpeuse et écrivain, française. Elle est connue pour ses expéditions ouvertures en grandes voies, souvent partagées avec son mari Arnaud Petit.

     

     

    J’ai demandé la lune au rocher
    J’ai pensé qu’en m’agrippant
    Je sauverais l’instant
    J’ai pensé qu’en m’accrochant
    J’arrêterais le temps 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et j’y ai cru longtemps
    M’entraînant
    Soulevant des poids
    Brisant des plumes 

    Je n’ai pas vu venir
    Passer
    Rides années
    Tout entière absorbée par le rocher 

    Je le caresserai toujours
    Car je crois au vieil amour qu’on rajeunit
    De l’aile chaque jour
    Mais je cède maintenant aux caprices du vent
    Va mon cœur
    Mène moi où tu voudras 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et j’ai cru lire un jour sur sa face
    Impassible
    « Oublie-la » 

    Et j’ai reçu en partage
    L’étoffe des nuages
    Qui déploie ses formes étranges
    Le sourire des mésanges
    Le vieux pin qui là-haut
    Doucement se balance
    L’amour
    Encordé à jamais 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et il m’a tout donné

     

    Stéphanie Bodet


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  • Jean-François Mathé

    Jean-François Mathé est né le 30 mai 1950, à Fontgombault, dans l’Indre. De 1970 à 1980, parallèlement à l’écriture, il se consacre au dessin d’humour. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint Malo pour l’ensemble de son œuvre.

     

    Sur de fragiles lignes de frontières,
    des trains rouillés s’arrêtent.

    Contrebandiers, émigrants
    retiennent les bruits
    pour ne pas faire trembler
    la lune énorme des pays repus. 

    Les feuilles des arbres sont comme
    des pas posés nulle part,
    suspendus, attendant que s’effacent
    les blessures qui disent d’où l’on vient. 

    Il y a le moment d’espoir
    qui s’allume comme une cigarette,
    mais on sait que c’est la fumée
    qui décide des lendemains.

     

    Jean-François Mathé


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  • Mérédith Le DezMérédith Le Dez est née en 1973. Elle vit à Saint-Brieuc. Elle a créé en 2007 les éditions MLD qui ont développé pendant six ans un catalogue de littérature et poésie principalement. Poète et écrivain publiée depuis 2008, elle a obtenu le Prix Yvan Goll 2015 pour Journal d’une guerre (Folle Avoine 2013).

     

     

     

     

    Couteau de la nuit
    simplement posé
    sur la plaine

    Si la gorge tranchée
    du silence
    offrait à nos mains
    des pavots rouges

    Mais à peine
    une fleur d’écume
    tremble
    dans l’ombre
    et s’oublie aux portes closes

     

    Mérédith Le Dez


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  • Est-ce "passe-temps" d'écrire ?

     

     

     

     

     

    Un jour, au hasard d’une lecture j’avais noté cette phrase : Les lieux de l’écriture ne sont jamais que des ailleurs. Compagnons « d’intranquillité » , les mots prennent la mesure de la vie qui nous traverse.

    Les mots arrivent et pénètrent les choses, les forcent à s’ouvrir.

    À travers eux, parfois le monde m’apparaît, ils semblent me conduire vers leur mystère.

    Mais le plus souvent ils s’échappent, s’écrasent sur la page ou s’envolent légers au-dessus du monde.

    Pourtant j’aimerais tellement que les mots qui arrivent s’accordent à ce que je sens, à ce que je sais ou crois savoir. Trop souvent ils s’accumulent au bout du fil rompu.

    Comme les lieux, cueillis ou échangés ils réveillent la mémoire et les sentiments qui leur sont associés. Ils font vibrer la réalité.

    L’acte d’écrire s’enracine dans le désir.

    Seule avec tous ces mots qui me bousculent, je retourne sur mes pas pour les éclairer.

    À travers eux parfois, je peux sentir les jeux de lumière qui leur donnent vie.

    Ils griffent la page, comme des éclairs, s’y promènent, éblouissent et affolent, mais ils tissent aussi des liens, comme des passerelles qui font naître parfois une phrase, une évidence, un projet …

    Écrire pour tisser les choses ensemble, lier les êtres, les vies et cette quête de sens dont nous avons désespérément besoin. Le poète a dit : « Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. »

    À l’approche du mystère inatteignable, un mot, une phrase, naissent parfois de pages froissées ou déchirées et deviennent, un chant, une parole poétique ; ils s’envolent vers le beau.

    Alors écrire !  Pourrions nous vivre sans ces « signes de vie » :  Une carte postale dans la boîte à lettres, quelques lignes sur la page de garde d’un livre offert, un message griffonné, les mots d’un poème appris « par cœur ».

    Il en faut si peu parfois pour que cède la peur, pour saisir la main tendue à l’instant de la chute.

    Et avec vous mes amis, échanges de nos textes, de nos mails, de nos lettres :

    Éclats de nos vies, témoins de nos connivences. Comme des questions posées au monde.

    Quelques mots, les plus simples parfois, qui séjournent au cœur d’un message et qui attendent qu’on s’en souvienne.

    Ce que nous n’avons pas su dire, peut-être l’écrirons nous ?

    Au cœur des solitudes cueillir un mot une phrase qui s’opposerait à la peur. Tant de mots parfois répandus sur l’absence.

    Ce que l’on sait nommer délivre.

    Alors, est-ce seulement « passe-temps »  d’écrire, M. Prévert ?

     

    Lise L. (le 01/04/21)


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  • Patrick JoquelJe suis né à Cannes (06) en 1959. Petit je rêvais de l’an 2000 et m’y voici. Je lis et j’écris principalement de la poésie mais pas uniquement. Si j’aime rencontrer les poètes, j’ai grand plaisir à partir à la rencontre des lecteurs : dans leurs classes, les bibliothèques…

     

     

     

     

    Maisons bleues 

    Je connais des maisons qui, envers et contre tout, transmettent la vie et leurs secrets. Abritent des promesses bleues. Cachent des jeux d’enfants. Complicent des amours cachées. Tissent des rêves de gosses. Chauffent de profondes espérances. Chantent comme une douce source et engrangent des provisions de rire. 

    Patrick Joquel


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  • Colette Andriot

    Colette Andriot est née en 1941. Institutrice, puis animatrice à la Maison de la culture de Chalon sur Saône et plus de 20 ans bibliothécaire. Maintenant à la retraite, elle met aujourd’hui en place de nombreuses animations scolaires, des rencontres avec des bibliothécaires autour de la poésie, des lectures à haute voix…

     

     

     

    …au coin de la rue 

    J’écoute la nuit qui va
    Comme un grand corps errant .
    J’écoute la nuit qui gronde doucement, la nuit qui
    souffle comme un cheval asthmatique .
    J’écoute la nuit qui éclate de rire dans les étoiles filantes
    hurle sa colère se déchire dans l’orage .
    J’écoute la nuit qui se faufile à pas feutrés dans
    les mots cherchés du poème comme une haleine fraîche
    sur la peau brûlante . 

    La nuit glisse sur la feuille .Sa respiration devient
    régulière . 

    La vie trois lettres Cette énigme 

    Trop loin 

    Je reviens à l’odeur du café
    à celle de la tarte aux fruits qui inscrit l’été
    dans nos mémoires .
    Ici il y a des fleurs que je cultive sous la fenêtre
    comme je cherche un rythme un accord . 

    Je reviens au déroulement des gestes
    à ton regard
    à la volonté de tes mains . 

    Trois lettres dans la nuit
    dans l’amour.

     

    Colette Andriot


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  • Pierre Autin-Grenier

    Auteur de proses poétiques, de récits et de nouvelles, Pierre Autin-Grenier (1947 - 2014) est devenu un adepte de la forme brève. On trouve ces textes brefs dans ses premiers livres (Jours anciens, Histoires secrètes, Les Radis bleus, Chroniques des faits, Légende de Zahkor) et dans ses recueils de nouvelles (Je ne suis pas un héros, Toute une vie bien ratée, L’éternité est inutile).

     

    De longs jours et de longues nuits nous vivons en ces lieux ou les chevaux, même morts, encore cavalent a la folie, crin hérissé sous les rafales, écorniflant au gré des bruyères ou des forêts l’instant de répit qu’il faut pour éclaircir les tourments de l’infini et continuer la course, ensemble, vers de lointaines et fraternelles utopies.
    Nous ne connaissons ni caparaçon ni mèche de cravache, seulement menés que nous sommes par les désordres voulus du vent, le tremblement confus des étoiles dans l’eau des lacs, l’ obstination des grands arbres a défier le carnage du temps. Le plus souvent seul le silence nous sert de signe de reconnaissance et nous savons aussi comment appréhender l’ aube sans avoir même à la nommer.
    Notre liberté n’ est pas celle du cavalier pomponné comme pour la parade et caracolant sur l’esplanade en plein soleil ; elle tient au contraire tout entière dans les quelques mots fragiles que trace le poète d’une plume incertaine sous la lumière rouge de la lune.

     

    Pierre Autin-Grenier


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  • Georges Louis Godeau

    Georges Louis Godeau (1921-1999) Né dans les Deux-Sèvres en 1921. Il devient ingénieur au Génie rural tout en se consacrant à l’écriture. Il manie la langue avec le regard d’un journaliste ou d’un photographe évoquant la vie ordinaire, le travail, les vacances, les joies et les difficultés du quotidien… Mais dans ces courts textes en prose, la poésie s’immisce constamment, dans la force d’un détail, d’une image, dans ses phrases elliptiques, concrètes qui laissent toujours échapper l’invisible.

     

     

    LE VRAI PRINTEMPS 

    Parce que le soleil s’est enfin installé dans un ciel bleu à ne pas y croire elles ont jailli de leurs manteaux, de leurs bottes, en une nuit et les voilà qui promènent maintenant sur les trottoirs les robes de l’année, à peine posées sur leurs épaules, à peine descendues
    si bien que la foule en oublie de rentrer comme au soir d’une révolution.

     

    Georges Louis Godeau


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  • Marie Ginet

    Passionnée de voix et de poésie, Marie Ginet explore avec fougue la texture, le rythme et la sonorité des mots qu’elle exprime tant sur scène que par écrit.
    Elle se produit depuis 2005 sur les scènes slam et poétiques de France et de Belgique sous le pseudonyme d’Ange Gabriel.e.

     

     

    Sensation du phare 

    Marcher côte à côte
    vers l’écluse bleue grise l’aventure légère
    saisir à plein poumons le rayon de soleil le vent tiède
    et sa main dans la mienne en voilure de printemps 

    Soir suspendu arbres en bourgeons 

    Paix sur le monde
    qui volute en écho de sourire à ses lèvres 

    Remonter la digue submersible
    noyée de lumière
    horizon de sable et de flaques bleues
    sensation du phare 

    Écrire côte à côte
    hirondelles en stridence aérienne 

    Écrire dit-il 
    même si les mots n’accostent pas la sensation  

    Accueillir ingénus
    pulsation prodigieuse la marée montante 

    Le bruit d’abord
    coureur haletant à l’avant de la vague lente 

    Ailes blanches soulevant leur cri dans le crépuscule 

    Poussée des eaux arc liquide
    rebord d’ombre 

    Écrire geste en célébration
    doux lichen des secondes immobilisant le souffle

     

    Marie Ginet


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