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Monique Domergue
C'est difficile de se passer de poésie... je vais donc me permettre de baliser de temps à autre cette "pause" par quelques textes. Celui-ci, de Monique Domergue est paru il y a une vingtaine d'années dans un très beau livre "Le siècle s'effondre" (Jacques Brémond).
Je n'écris, dit Monique Domergue, que pour être lue à haute voix, et l'on pourrait dire en effet que ses livres font écho à cette approche de l'écriture.
« …
demain nous remettrons
nos vêtements de pluie
semblables aux sources
dans les larmes
nous irons
le soleil
gardien des traîneaux
nous écoute
dans la fidélité des jours
pour le passant
il y a place
nous avons découvert
un fabuleux trésor
copeaux de neige
dans le vent
et sons nouveaux
dans les stridences
et folie d'astronautes
nous avons découvert
dans le blé
plus petit que le blé
et dans les visages
le regard poreux
nous irons
sans richesse
et sans haine
étoilés
entre deux mondes
à jamais prisonniers
à jamais libérés
des fantômes et des peurs
à jamais possesseurs
de double identité
et nous tirant
nous-mêmes
au chemin de halage
comme un rite accompli
en début de prière
assis sur nos talons
fixant la braise
nous partirons
pour un voyage
qui se fera
les yeux fermés
nous nous arrêterons
au seuil de l' ouïe-dire
fronton de paille
berger nourri de manne
nous serons forts et seuls
ainsi nous passerons
tous clandestins
des corridors de l'aube
aux parloirs de la nuit
tous en exil
chasseurs de têtes
ou passereaux
il faudra bien alors
se regarder en face
demain
nous parlerons
wolof ou tamoul
nous serons sans patrie
et porterons pour tout drapeau
les feuilles vertes
de nos visages. »
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