• Françoise SiriJournaliste, poète et passeuse de poésie, Françoise Siri a mené de nombreux entretiens avec des personnalités comme Stéphane Hessel, Jean-François Kahn, Christiane Taubira, François Cheng, Matthieu Chedid… (tous grands amateurs de poésie !) pour différents médias. Elle monte également des lectures théâtralisées et a réalisé des soirées d’hommage à Andrée Chedid et, avec l’acteur Michael Lonsdale, à Laurent Terzieff.

     

    La poésie du théâtre

    à Laurent Terzieff, i. m.

    Dans les salles de théâtre où brille toujours une petite lumière
    Qui ressuscite Adamov, Brecht, Rilke, Pirandello
    Est-ce qu’il y a quelqu’un ?

    Est-ce qu’il y a cette voix
    Qui prononce lentement
    La première syllabe de « l’om-bre »
    Si vous lui demandez pourquoi,
    Il répond :
    Parce que l’ombre, c’est long !

    Et l’ombre s’étend

    Est-ce qu’il y a quelqu’un ?

    Dans le dernier salut au théâtre de l’Odéon
    Il ouvre les bras large comme un oiseau
    Appelant, d’un côté, la main d’Ulysse
    De l’autre, la main de Néoptolème
    Ses longues mains vibrent appellent d’une manière pressante : « La main ! »
    Il se passe quelques secondes
    Et les mains se joignent
    Dans le salut des acteurs et les applaudissements
    Est-ce qu’il y a encore quelqu’un ?

     

    Françoise Siri


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  • Bernadette Sanou Dao

    Bernadette Sanou Dao, née le 25 février 1952 à Bamako (alors au Soudan français, aujourd'hui au Mali) est une enseignante, écrivaine de langue française et femme politique burkinabé.

     

     

     

    Je voulais simplement dire

    Mon peuple

    Faire mien le gamin tout nu

    Au ventre bombé par la malnutrition

    Mien le gamin en haillons

    Traînant dans la poussière des rues

    La peau du visage si blanchie par l'harmattan

    Tendant aux passants une boîte de tomate vide

    En guise de sébile

    Mien, le vieil homme au talon crevassé

    À même le sol sec.

    Tirant et tirant encore la daba sur le sol sec.

    Mienne, l'épouse pilant le mil pour la pâte du soir,

    Pilant les feuilles de baobab sèches pour la sauce du soir

    Et je quête en vain un goût de viande dans cette sauce.

    Mienne, la triste cohorte de femmes

    Vers un point d'eau lointain, incertain;

    Et sur leurs lèvres desséchées, un chant se meurt doucement

    Mienne, la femme au ventre mûr revenant du champ :

    Elle porte sur la tête un fagot de bois énorme

    Et dans son dos le babil du bébé de l'an dernier.

    Je voulais simplement dire

    Mon peuple

    Faire mienne la femme en couches qui s'éteint

    La science des vieilles accoucheuses a failli,

    Et les matrones du centre n'ont pu faire mieux.

    Mienne, la fillette aux yeux hagards :

    On la tient fermement, on lui écarte les jambes, brutalement

    Et le couteau, souillé déjà

    Arrache de sa gorge tendre un cri de douleur atroce!

     

    Bernadette Sanou Dao


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  • George Sand

    George Sand (1804-1876) compte parmi les écrivains les plus prolifiques, avec plus de 70 romans à son actif et 50 volumes d'œuvres diverses dont des nouvelles, des contes, des pièces de théâtre et des textes politiques.

     

     

     

    À Aurore

     

    La nature est tout ce qu’on voit,
    Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
    Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
    Tout ce que l’on sent en soi-même.

    Elle est belle pour qui la voit,
    Elle est bonne à celui qui l’aime,
    Elle est juste quand on y croit
    Et qu’on la respecte en soi-même.

    Regarde le ciel, il te voit,
    Embrasse la terre, elle t’aime.
    La vérité c’est ce qu’on croit
    En la nature c’est toi-même.

     

    George Sand


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  • Jean-Claude PirotteJean-Claude Pirotte (1939 - 2014) est avocat puis est rayé du barreau pour avoir favorisé la tentative d’évasion d’un de ses clients. S’il ne cessera de nier avoir commis cet acte, il fut  condamné à un emprisonnement auquel il se soustrait en vivant clandestinement en France. Il partage, depuis la péremption de sa peine en 1981, sa vie entre le vagabondage, ses collaborations à France-Culture, la peinture et la rêverie poétique. Peintre, écrivain et éditeur, Il reçoit le prestigieux Prix Apollinaire en 2011.

     

    Que la ville au soleil s’éveille ou se rendorme
    on entend sur les seuils les ombres des défunts
    timides murmurer que la beauté des mortes
    comme la dentelle est dans la graine du lin

     

    Nous ne saurons jamais de quels cris étouffés
    nous naissons à la mort dans nos rêves de lymphes
    ni de quels souvenirs nos lendemains sont faits
    et de quels crimes nos mains nues gardent l’empreinte

     

    Apprendrons-nous jamais quel souffle nous emporte
    ou quel trouble désir de futures étreintes
    mène nos jours éteints vers des nuits où les mortes
    infidèles sans fin vivent leurs amours feintes

     

    Jean-Claude Pirotte


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  • Marie-Ange SebastiMarie-Ange Sebasti vit à Lyon, où elle est née. Habilitée à diriger des recherches en lettres classiques, elle est également l’auteur de publications dans le domaine de la littérature grecque de l’Antiquité tardive.

     

     

    Le phare inextinguible
    Le sémaphore infatigable
    signalant l’embellie des prochains sillages

     

    La tour qui prévient de l’orage
    et proclame les mots
    des anciens seuils

     

    Mon nécessaire de voyage

     

    Marie-Ange Sebasti


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  • Jean PérolJean Pérol est né en 1932 dans la région lyonnaise. Il part en 1961 pour le Japon où il résidera plus de vingt ans ; Il obtient le Prix Mallarmé, en 1988, pour Asile exil (La Différence) et pour l’ensemble de son œuvre.

     

     

     

    Je suis neuf

    Je suis neuf tu m’agrandis
    passe tes mains dans mes cheveux
    passe tes doigts dans mes jours morts
    pose tes lèvres sur mes yeux

    image double du secret
    fermé trois fois dans ma colère
    au bord d’un soir tu apparais
    mon rêve exact de chair et d’air

    depuis ce lit entends la flûte
    errant la nuit parmi les rues
    sommeil au loin baisers de flûte
    et le chant d’ombre en moi s’est tu

    J’ai traversé le poids des choses
    je te conduis au fil des nuits
    tu as fendu la porte close
    si je suis neuf accueille-moi.

     

    Jean Pérol


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  • Jacqueline Saint-JeanNée dans les Côtes D’Armor, Jacqueline Saint-Jean a longtemps vécu en Bretagne. Rédactrice de la revue Rivaginaires, membre du Comité de rédaction d’Encres Vives, participe à de nombreuses manifestations et actions pour la poésie, et anime des ateliers d’écriture depuis 1972, en France et au Maroc. Prix Xavier Grall 2007 pour l’ensemble de son œuvre poétique

     

    On s’avance entre des épaves
    de portes debout dans l’espace
    comme en rêve de seuil en seuil
    une présence se dérobe

     

    La distance tressaille

     

    Quelqu’un se tenait dans le noir
    frère friable murmurant
    dans la gravitation secrète des images

     

    Jacqueline Saint-Jean


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  • Jean-Baptiste Pedini

    Né en 1984 à Rodez, Jean-Baptiste Pedini vit et travaille en région toulousaine. Des publications dans une trentaine de revues ainsi que des livrets chez -36° édition, Clapàs, Encres vives et La Porte. Il a reçu en 2012 le Prix de Poésie de la Vocation pour son recueil Passant l’été, publié chez Cheyne.

     

     

     

    C’est du noir que l’on vient. Du manque de profondeur, de cette sérénité qui lentement dégorge du bois de la jetée. Un soleil timide apparaît et essore le ciel. Les dernières gouttes de pluie semblent agripper l’horizon, s’accrocher à ces instants sombres que le corps couve secrètement, les ramener à quai. Pourtant on ne bouge plus. On cherche à distinguer le phare dans les vapeurs d’obscurité. Et quand un rayon sans éclat s’étire sur l’océan, c’est tout le matin qui remonte. Les pieds font des traces rouges dans le sable. Les yeux se décollent des rêves. Et la mélancolie reste suspendue loin derrière. Comme baignée d’absence. Rincée par la lumière.

     

    Jean-Baptiste Pedini


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