• Denis Emorine

    Denis Emorine est né en 1956 près de Paris. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, en Grèce, au Canada (Québec) et en Russie.

     

    Elle me prendra dans ses bras
    Lorsqu’il sera trop tard
    Et que ma tête sera vide
    De tous les mots empruntés
    Je ne parviendrai jamais à
    Oublier le sang et la douleur
    Qui ruissellent le jour durant
    Je n’ai pas su apaiser le deuil
    Qui souffle sur ma vie
    Je voudrais parfois
    M’enfuir dans une ville étrangère
    Où l’exil serait tellement lourd à porter
    Et mes pensées rapiécées
    Les habitants que je ne comprendrais pas
    Me repousseraient à coups de pierre
    Vers la mer
    Mon pas est lourd
    Mes gestes tremblants
    Je ne sais toujours pas
    Vivre les yeux ouverts
    Ni m’endormir et rêver
    Les yeux fermés
    Mais j’aimerais par-dessus tout
    Vibrer au chant d’une femme
    Qui s’élèverait vers moi
    Dans la fertilité de l’abîme

     

    Denis Emorine


    votre commentaire
  • Marie-Florence Ehret

    Marie-Florence Ehret est née à Paris où elle vit toujours. Elle se déplace beaucoup pour mener des ateliers d’écriture, en France et à l’étranger. Elle a publié son premier livre en 1986, avec une préface de Bernard Noël. Puis elle a enchaîné les proses, les livres d’artistes…tous plus inclassables les uns que les autres.

     

     

     

    Il y a des cris d’enfants, des cris violents
    Le chat a fui
    Les vélos passent
    Les oiseaux continuent à pépier
    Le soleil vient de disparaître derrière le toit
    La fraîcheur de l’automne
    Saisit la nudité des bras
    Les quatre clochetons de l’église
    Ont été refaits à neuf
    Sur la tombe de ma grand-mère
    Les lettres de son nom
    Qui est aussi le mien
    S’effacent peu à peu
    Son fantôme marche à petit pas
    Dans le soir tombant
    Sur le chemin du mail 

    Les cerfs font le mur
    Ils sortent du parc au petit matin
    Pour aller brouter les légumes
    Dans les potagers

     

    Marie-Florence Ehret


    votre commentaire
  • Gilles Brulet

    J’ai exercé les métiers d’atteleur, d’aiguilleur et de chef de triage à la SNCF.
    Mes premiers poèmes ont été remarqués par Jacques Charpentreau, André Parinaud et Andrée Chedid. J’organise chaque année le concours (gratuit) de Poésie Anaïs Brulet à l’intention des enfants.

     

     

    seul
    sur un banc
    de la cour d’école 

    trois enfants viennent avec leurs ailes
    se posent

    près de moi 

    je récite pour eux
    un poème de Verlaine
    en espagnol
    un poème de Federico 

    une petite fille me dit
    qu’elle est née à Moscou
    un petit garçon me dit
    qu’il ne m’oubliera jamais 

    une autre
    s’appuie à mon épaule

     

    Gilles Brulet


    votre commentaire
  • Stéphanie Bodet

    Stéphanie Bodet, née le 14 mars 1976 à Limoges, est une grimpeuse et écrivain, française. Elle est connue pour ses expéditions ouvertures en grandes voies, souvent partagées avec son mari Arnaud Petit.

     

     

    J’ai demandé la lune au rocher
    J’ai pensé qu’en m’agrippant
    Je sauverais l’instant
    J’ai pensé qu’en m’accrochant
    J’arrêterais le temps 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et j’y ai cru longtemps
    M’entraînant
    Soulevant des poids
    Brisant des plumes 

    Je n’ai pas vu venir
    Passer
    Rides années
    Tout entière absorbée par le rocher 

    Je le caresserai toujours
    Car je crois au vieil amour qu’on rajeunit
    De l’aile chaque jour
    Mais je cède maintenant aux caprices du vent
    Va mon cœur
    Mène moi où tu voudras 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et j’ai cru lire un jour sur sa face
    Impassible
    « Oublie-la » 

    Et j’ai reçu en partage
    L’étoffe des nuages
    Qui déploie ses formes étranges
    Le sourire des mésanges
    Le vieux pin qui là-haut
    Doucement se balance
    L’amour
    Encordé à jamais 

    J’ai demandé la lune au rocher
    Et il m’a tout donné

     

    Stéphanie Bodet


    votre commentaire
  • Jean-François Mathé

    Jean-François Mathé est né le 30 mai 1950, à Fontgombault, dans l’Indre. De 1970 à 1980, parallèlement à l’écriture, il se consacre au dessin d’humour. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint Malo pour l’ensemble de son œuvre.

     

    Sur de fragiles lignes de frontières,
    des trains rouillés s’arrêtent.

    Contrebandiers, émigrants
    retiennent les bruits
    pour ne pas faire trembler
    la lune énorme des pays repus. 

    Les feuilles des arbres sont comme
    des pas posés nulle part,
    suspendus, attendant que s’effacent
    les blessures qui disent d’où l’on vient. 

    Il y a le moment d’espoir
    qui s’allume comme une cigarette,
    mais on sait que c’est la fumée
    qui décide des lendemains.

     

    Jean-François Mathé


    votre commentaire
  • Mérédith Le DezMérédith Le Dez est née en 1973. Elle vit à Saint-Brieuc. Elle a créé en 2007 les éditions MLD qui ont développé pendant six ans un catalogue de littérature et poésie principalement. Poète et écrivain publiée depuis 2008, elle a obtenu le Prix Yvan Goll 2015 pour Journal d’une guerre (Folle Avoine 2013).

     

     

     

     

    Couteau de la nuit
    simplement posé
    sur la plaine

    Si la gorge tranchée
    du silence
    offrait à nos mains
    des pavots rouges

    Mais à peine
    une fleur d’écume
    tremble
    dans l’ombre
    et s’oublie aux portes closes

     

    Mérédith Le Dez


    votre commentaire
  • Patrick JoquelJe suis né à Cannes (06) en 1959. Petit je rêvais de l’an 2000 et m’y voici. Je lis et j’écris principalement de la poésie mais pas uniquement. Si j’aime rencontrer les poètes, j’ai grand plaisir à partir à la rencontre des lecteurs : dans leurs classes, les bibliothèques…

     

     

     

     

    Maisons bleues 

    Je connais des maisons qui, envers et contre tout, transmettent la vie et leurs secrets. Abritent des promesses bleues. Cachent des jeux d’enfants. Complicent des amours cachées. Tissent des rêves de gosses. Chauffent de profondes espérances. Chantent comme une douce source et engrangent des provisions de rire. 

    Patrick Joquel


    votre commentaire
  • Colette Andriot

    Colette Andriot est née en 1941. Institutrice, puis animatrice à la Maison de la culture de Chalon sur Saône et plus de 20 ans bibliothécaire. Maintenant à la retraite, elle met aujourd’hui en place de nombreuses animations scolaires, des rencontres avec des bibliothécaires autour de la poésie, des lectures à haute voix…

     

     

     

    …au coin de la rue 

    J’écoute la nuit qui va
    Comme un grand corps errant .
    J’écoute la nuit qui gronde doucement, la nuit qui
    souffle comme un cheval asthmatique .
    J’écoute la nuit qui éclate de rire dans les étoiles filantes
    hurle sa colère se déchire dans l’orage .
    J’écoute la nuit qui se faufile à pas feutrés dans
    les mots cherchés du poème comme une haleine fraîche
    sur la peau brûlante . 

    La nuit glisse sur la feuille .Sa respiration devient
    régulière . 

    La vie trois lettres Cette énigme 

    Trop loin 

    Je reviens à l’odeur du café
    à celle de la tarte aux fruits qui inscrit l’été
    dans nos mémoires .
    Ici il y a des fleurs que je cultive sous la fenêtre
    comme je cherche un rythme un accord . 

    Je reviens au déroulement des gestes
    à ton regard
    à la volonté de tes mains . 

    Trois lettres dans la nuit
    dans l’amour.

     

    Colette Andriot


    votre commentaire
  • Pierre Autin-Grenier

    Auteur de proses poétiques, de récits et de nouvelles, Pierre Autin-Grenier (1947 - 2014) est devenu un adepte de la forme brève. On trouve ces textes brefs dans ses premiers livres (Jours anciens, Histoires secrètes, Les Radis bleus, Chroniques des faits, Légende de Zahkor) et dans ses recueils de nouvelles (Je ne suis pas un héros, Toute une vie bien ratée, L’éternité est inutile).

     

    De longs jours et de longues nuits nous vivons en ces lieux ou les chevaux, même morts, encore cavalent a la folie, crin hérissé sous les rafales, écorniflant au gré des bruyères ou des forêts l’instant de répit qu’il faut pour éclaircir les tourments de l’infini et continuer la course, ensemble, vers de lointaines et fraternelles utopies.
    Nous ne connaissons ni caparaçon ni mèche de cravache, seulement menés que nous sommes par les désordres voulus du vent, le tremblement confus des étoiles dans l’eau des lacs, l’ obstination des grands arbres a défier le carnage du temps. Le plus souvent seul le silence nous sert de signe de reconnaissance et nous savons aussi comment appréhender l’ aube sans avoir même à la nommer.
    Notre liberté n’ est pas celle du cavalier pomponné comme pour la parade et caracolant sur l’esplanade en plein soleil ; elle tient au contraire tout entière dans les quelques mots fragiles que trace le poète d’une plume incertaine sous la lumière rouge de la lune.

     

    Pierre Autin-Grenier


    votre commentaire

  • votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique