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Par imaginelitécrit le 19 Mai 2020 à 08:47
Albane Gellé. Née en 1971, elle vit autour de ses deux passions : cheval et poésie. Côté cheval, elle accueille petits et grands à Chênehutte (49) pour des moments équestres. Côté poésie, elle a publié une vingtaine de livres, et se déplace un peu partout pour les accompagner. Elle aime aussi beaucoup partager ses auteurs préférés, en accrochant leurs poèmes sur des chemins en forêt, en les partageant sur son blog, en emportant leurs recueils partout où elle va pour faire vibrer la poésie.
Les ficelles emmêlées avec des nœuds
dans la tête ça ne la gêne pas l’écriture
c’est pas qu’elle démêle elle démêle rien
elle dit rien elle se laisse faire je me
débrouille avec elle il y a pourtant de l’air
autour mais chaque fois que je me mets
à écrire c’est comme si j’en avais manqué
pendant des siècles je respire j’écris
comme si je me remettais à marcher
après un accident une maladie ça peut
arriver plusieurs fois par jour un accident
une maladie c’est pas rien mais c’est pas
exceptionnel je n’écris rien d’exceptionnel
les choses viennent et des mots se collent
dessus dedans je m’en occupe je les
accompagne un bout le désordre ne devient
pas de l’ordre je ne range pas vraiment dans
la langue j’essaie de trouver juste assez de
lumière pour y voir clair quand ça arrive
personne n’est là pour m’entendre de toute
façon je ne dis rien
Albane Gellé, Extrait de L’air libre, Le Dé Bleu
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Par imaginelitécrit le 18 Mai 2020 à 07:31
Xavier Grall (1930 - 1981) est un poète, écrivain et journaliste breton. En 1952, il entre à la rédaction de La Vie catholique illustrée. Il collabore également pour Le Monde. Xavier Grall admire Rimbaud et Kerouac, poètes vagabonds. Il rêve d’une poésie qui représenterait l’idéal et qui ressemblerait à la rude et légendaire Bretagne.
Amour Kerne
à l’Ondine
Je te prendrai dans l’émotion des landes
muettement tu embrasseras ma terre
Je te prendrai dans la clarté des fontaines
avidement je te boirai
Tu portes mes amours mauves
dans la source des prunelles
écoute
les ajoncs et les plantes
vont chanter pour nous deux
la nuit fertile, la plage fraternelle
Nous referons cette Cornouaille mortelle
secrètement
dans le lit des hautes herbes
je te prendrai dans la grange verte
et ton corps aux semences mélangé
concevra tout un pays de fougères
et de genêts.
Ma belle amie sur la grève allongée
comme moi désire la mer
laisse-toi chavirer sous le vent des navires
Xavier Grall
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Par imaginelitécrit le 17 Mai 2020 à 09:36
Né en 1983, Emanuel Campo se revendique poète, slammeur repenti, rappeur récidiviste avec le groupe « PapierBruit » sous le pseudo Printemps 2004, agitateur de la compagnie « Étrange Playground ». Avec tout ça il trouve encore le temps d’écrire.
Que la ville c’est le travail
que le travail c’est la ville
que la ville soit tu l’aimes soit tu la quittes pas
qu’ici y a pas de métiers, y a que des emplois
que si t’as pas le projet, tu trouveras pas l’emploi.
Que derrière le périph’
y a les bornes en voiture pour acheter son pain
avec ou sans gluten
y a le désert culturel
qu’on peut se brosser pour se dire
« Tiens, j’irais bien voir un spectacle » ou
« J’irais bien rejoindre les copains dans le bar d’en bas »
qu’encore plus loin, il fait souvent noir, même la nuit.
C’est qu’on se posait la question de quitter la ville
pour s’installer plus près de la nature.
Depuis deux ans, j’ai d’étranges plaques sur la peau.
On pensait chacun se faire son espace.
L’atelier là, le studio ici,
la bibliothèque à gauche, le jardin
suspendu
enfin, le calme.
T’façon, plus personne ne nous rend visite
à l’improviste
et pour celles et ceux qui viennent,
pouvoir les accueillir sur un barbecue douillet de brochettes, de bière locale, de musique et de débats à quatre heures du mat’ sans risquer de croiser les flics au rond-point après le premier verre.
Alors on me raconte la peur du vide le manque d’aéroport et de filières d’études le coût de l’essence et les hivers froids l’entretien du réseau et celui du toit.
C’est vrai qu’en ville l’école n’est qu’à trois cents mètres et y a ce truc dans lequel j’me suis lancé avec Machin. Je peux pas le lâcher.
Alors on hésite.
Seuls mes potes chômeurs m’encouragent
on hésite toujours
mes ongles tentant de soulager cette rougeur à la peau.
Emanuel Campo
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Par imaginelitécrit le 16 Mai 2020 à 07:19
Charles Juliet (né en 1934 dans l’Ain) est un écrivain français. Il a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle pour L’Année de l’éveil en 1989, le Prix Goncourt de la poésie pour Moisson en 2013 et le Grand Prix de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre en 2017. Il vit à Lyon.
Toi qui n'es jamais
laide jamais flétrie
si je te croise dans la rue
inconnue et lointaine
rayonnante
maternellement proche
entends la voix qui murmure
ô mon amour
sur ton passage
Charles Juliet
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Par imaginelitécrit le 15 Mai 2020 à 08:08
Né à Delhi en 1940, Momin Latif est certainement le seul poète indien contemporain d’expression française. Parlant, lisant, écrivant couramment l’ourdou, l’anglais, le français, c’est dans la langue de Rimbaud, d’Apollinaire et de Valery Larbaud qu’il a choisi de s’exprimer, sans doute par souci d’affirmer sa singularité.
Avis à l’amoureux
Ne sors pas dans la rue
L’âme trop visible
Sur tes yeux
On devinera ton cœur
Qui bat
Ton foie gorgé de sang
Tes entrailles qui frémissent
Tu feras rire les enfants
Tu rencontreras peut-être
Le fauve
Que tu aimes tant
Ne lui fais pas peur
Ne sors pas dans la rue
Momin Latif
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Par imaginelitécrit le 13 Mai 2020 à 09:00
Robert Desnos est un poète français (1900 - 1945). Il a rejoint en 1922 l'aventure surréaliste. Dans les années 1924-1929, Desnos est le rédacteur de La Révolution surréaliste mais rompt avec le mouvement quand André Breton veut l'orienter vers le communisme. Il travaille alors dans le journalisme et, grand amateur de musique, crée avec succès des poèmes aux allures de chanson. Il est mort du typhus au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libérée par l'Armée rouge.
Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit "La peine sera de courte durée"
Elle dit "La belle saison est proche."
Ne l'entendez-vous pas ?
Robert Desnos
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Par imaginelitécrit le 8 Mai 2020 à 10:24
Valérie Rouzeau, née en 1967 à Cosne-sur-Loire, est une poétesse et traductrice française. C'est son recueil Pas revoir édité en 1999 par Louis Dubost (Le Dé Bleu) qui l'a fait remarquer d'un nombreux public. Elle a traduit des auteurs anglophones : Sylvia Plath, Ted Hughes, William Carlos Williams, Stephen Romer…
Je n 'aime pas la Terre car on dit qu'on y meurt
Mais j'aime ses éléphants ses oiseaux ses grands singes
Et ses tours sur elle-même tours autour du Soleil
Ses saisons ses châteaux ses âmes non sans défauts
Ses ânes ses coqs ses oies ses cailloux ses forêts
Ses jardins ses abeilles mais pardon je radote
J'ai déjà dit cela et puis que j'aime aussi
De la Terre l'atmosphère
Le satellite changeant qui s'épelle la Lune
Influence l'océan l'humeur des coquelicots
Ses hommes remplis d'eau auxquels je n'entends goutte.
Valérie Rouzeau
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Par imaginelitécrit le 7 Mai 2020 à 08:59
Djalāl ad-Dīn Muḥammad Balkhiou Rûmî, né à Balkh (actuel Afghanistan) en 1207 et mort à Konya (dans l'actuelle Turquie) en 1273, est un poète mystique persan qui a profondément influencé le soufisme. Son prénom, Djalal-el-din, signifie «majesté de la religion».
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Par imaginelitécrit le 6 Mai 2020 à 14:19
Fadwa Souleimane est une actrice syrienne alaouite, militante et poétesse, née le 17 mai 1970 à Alep et morte le 17 août 2017 à Paris.
A toi
Qui m’as tuée en ce temps-là
Et que j’ai tué en ce temps-là
Temps de tuerie
Ce temps-là
Viendra-t-il cet instant où
Les yeux dans les yeux
Nous verrons que nous ne sommes que le reflet de notre regard
Qui dit : pardon
Rien d’autre
Pardon
Vois ce pardon dans mes yeux
Et filons
La lumière perce devant nous.
Fadwa Souleimane
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