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Par imaginelitécrit le 15 Novembre 2020 à 06:50
Pierre Corneille (1606-1684) est un dramaturge et un poète français. Premier à comprendre que le drame est souvent intérieur, ses personnages tragiques et héroïques sont confrontés à des crises morales où le devoir s’oppose à la passion et où la volonté personnelle repousse ses limites pour survivre. Ses œuvres, puisant dans l’histoire ou dans les légendes, questionnent les valeurs de l’époque, ainsi que les règles de l'écriture classique. Chez l’auteur du “Cid,” pour qui éloquence et poésie sont indiscernables, la poésie héroïque s’oppose au lyrisme de la tendresse, et atteint le sublime ; idéal suprême au XVIIe siècle.
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle,
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Pensez-y, belle Marquise.
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise,
Quand il est fait comme moi.
Pierre Corneille
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Par imaginelitécrit le 13 Novembre 2020 à 06:37
Née au Liban en 1961, Nadine Ltaif a passé les treize premières années de sa vie dans son pays natal avant d’immigrer au Québec avec sa famille et de s’établir à Montréal en 1980. Dès son premier recueil de poèmes, Les métamorphoses d’Ishtar, paru en 1987, elle a été remarquée par sa manière de traiter l’expérience de la migration et de l’exil en puisant dans les mythologies de sa région d’origine, le Moyen-Orient, tout en se mesurant aux réalités de son pays et de sa ville d’accueil. Inspirée aussi bien par la poésie japonaise que par le grand poète libanais Adonis, l’œuvre de Nadine Ltaif est aussi ancrée dans le féminisme.
Aujourd’hui j’ai vu
comment meurt une ville
et j’ai été abandonnée
et je suis partie
et de rien
et je reviens d’un long voyage
mais par où commencer
par où
je commence par la mort
car on ne peut commencer que par la mort
de ce récit qui prend la forme de la misère
je vous conte une histoire
concernant des oiseaux
une histoire un conte une odyssée
l’odyssée du Phénix madame
ou comment aime le Phénix
avec ses flammes avec ses feux
lorsqu’il n’y a plus de dialogue possible
et que plus rien n’exprime l’amour
que le désir
lorsqu’il se jette et lorsqu’il flambe
je vous conte ce qu’ont vu mes yeux
des murex
et de la pourpre
et une terre libanaise qui aime brûle aime
et embrase la mer.
À peine suis-je née que je n’existe
déjà plus
car la guerre empêche la vie de naître
empêche les fleurs de mûrir
empêche le soleil
et rompt le rythme des choses
comment trouver un rythme
un rythme autre que celui des lamentations
Qu’Allah vous éloigne du fils d’Adam
s’écrie ma nourrice
de cet homme de la guerre
que Dieu vous épargne
ce qu’ont vu mes yeux
ces yeux-là qui ne se referment plus
depuis 1975
année de mon premier exil.
Nadine Ltaif
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Par imaginelitécrit le 11 Novembre 2020 à 06:08
Mohammed Dib (1920‐2003) est un poète et auteur algérien. Il est membre de la « génération ‘52’ » avec Albert Camus. Son œuvre traite de la décolonisation algérienne, de sa bataille d’indépendance et des périodes qui s’ensuivent. Quête d’identité et recherche d’un moi authentique sont des thèmes importants pour Dib dont la voix poétique s’élève à la recherche de la dignité humaine. Une imagerie surréaliste et futuriste, des mots océaniques et souterrains peuplent ses œuvres.
Contre-Jour
Les oiseaux apparaissent,
S’allume une flamme
Et c’est la femme ;
Sans nom ni liens ni voile,
Errant les yeux clos,
La femme couverte de la fraîcheur de la mer.
Mais brusquement les oiseaux réapparaissent
Et s’allonge cette flamme
Plus qu’entr’aperçue au fond de la chambre.
Et c’est la mer,
La mer aux bras endormants portant le soleil,
Ni orient ni nord, ni obstacle ni barre, la mer ;
Rien que la mer ténébreuse et douce
Tombée des étoiles, témoin des mutilations du ciel,
Solitude, pressentiments, chuchotis,
Rien que la mer,
Les yeux éteints,
Sans vague ni vent ni voile.
Brusquement les oiseaux réapparaissent ;
Et c’est la femme,
Ni étoile ni rêve, ni geyser ni roue, la femme.
Les oiseaux reviennent ;
Et rien que la mer.
Dib, Mohammed
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Par imaginelitécrit le 10 Novembre 2020 à 06:00
Nedjmhartine Vincent est une poète haïtienne. Elle est étudiante en psychologie à la Faculté des sciences humaines de l'Université d'État d'Haïti. Son premier texte « Jovanie » paraît chez Mémoire d'encrier en 2013 dans une publication collective intitulée Bonjour voisine qui réunit des écrivains haïtiens et canadiens. Son premier roman, Territoires interdits est publié en 2014 aux éditions Henri Deschamps.
Confession
Les lambeaux de notre amour mitigé
Accrochés aux poutres de mes souvenirs
Imprimés en moi éternellement.
Ce savant mélange, ce savant désordre
Cette passion étonnée, détonnée
Cet étrange amalgame de souvenirs
Ce synchronisme parfait, cet élan
Ce lien spirituel, primitif, basique
Donnent à ma vie du relief.
Vie sacralisée, saturée, colorée.
Oui, je t’aime. Oh ! Que je t’aime !
Les fibres de mon corps, tendues
Vers un seul être, une seule âme.
Mon grand amour, mon tout amour.
Pourtant, je te confesse :
L’obésité de mon amour pour toi.
Me bloque la respiration. Asphyxie.
Criw, craw, criw, craw !
Gorge raclée, souffle court !
Cet amour cataclysme m’anéantira
Cet amour volcan me consumera.
Si je dois t’aimer, je ne dois exister.
Je ne puis me résoudre à disparaître.
Je t’aimerai de loin, plus fort encore
Sentiments que le souvenir magnifiera
Je souffre d’amour, je meurs d’amour
Mais je revivrai d’amour. À tout jamais.
Nedjmhartine Vincent
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Par imaginelitécrit le 8 Novembre 2020 à 06:49
Rodney Saint-Éloi (né en 1963) est un poète, écrivain, essayiste et éditeur né en Haïti. Il est l’auteur d’une dizaine de livres de poésie et a traduit une dizaine d’ouvrages du français au créole. Il découvre des écrivains de différentes origines (amérindienne, québécoise, haïtienne, sénégalaise, antillaise, etc.) dans une démarche « d’altérités porteuses d’avenirs et de solidarités ».
Grand-mère Tida avait une tombe
Grand-mère Tida avait une maison
elle préférait la tombe à la maison
elle nourrissait la tombe de fleurs-soleils
elle s’arrangeait pour que la maison marche vers la tombe
la tombe était alors un jardin de lumières
Grand-mère Tida avait un cercueil
Grand-mère Tida avait un lit
elle préférait le cercueil au lit
elle parfumait tous les soirs le cercueil d’encens
elle s’arrangeait pour que le lit soit au-dessous du cercueil
le cercueil pouvait alors parler aux étoiles
Grand-mère Tida avait une robe blanche
Grand-mère Tida aimait sa robe blanche
c’était une robe de noces à volants
Grand-mère Tida ne l’avait jamais portée cette robe
Grand-mère Tida attendait seule la mort
elle chantait en lorgnant des yeux sa robe :
quand la paix règnera au ciel
nous y serons
Rodney Saint-Éloi
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Par imaginelitécrit le 6 Novembre 2020 à 09:34
André Dhôtel (1900 - 1991) est un écrivain français, à la fois romancier, conteur et poète, ainsi qu'un scénariste. Connu du grand public par le roman « Le Pays où l'on n'arrive jamais, » prix Femina 1955, il est l'auteur d'une œuvre abondante et singulière, où s'exprime un merveilleux proche du quotidien, dans lequel le rapport à la nature joue un grand rôle.
Créatures
Moi j'aime les vaches
parce qu'elles sont subtiles.
Moi j'aime les papillons
parce qu'ils sont bêtes.
Les papillons adorent les lampes
les fleurettes et les fumiers.
Ils touchent de leurs antennes
les étoiles les plus lointaines
par simple distraction.
Ils cherchent en dansant
à imiter les beaux voiliers
sanglants ou bleus
des mers intelligentes.
Au long des fils les vaches
écoutent les dépêches,
elles étudient le va-et-vient
des hommes sur la route
et ne concluent jamais.
Pleines de bonté pour les mouches
elles remâchent le gazon
pour mieux connaître l'infini
et regardent passer dans le ciel
les cow-boys qu'elles ont tués.
André Dhôtel
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Par imaginelitécrit le 5 Novembre 2020 à 06:01
L’écrivaine tunisienne d’expression française Amina Saïd (1953 - ) habite à Paris depuis 1979. Sa poésie s’imprègne de ses cultures, de ses voyages et son langage reste simple, échappant à toute classification. Souvent, l’oxymore révèle des juxtapositions étranges qui sont néanmoins logiques dans son langage poétique. Elle a délibérément choisi le français en tant que véhicule créatif mais elle chante une poésie ressourcée dans la langue arabe.
soleil à son lever
chaque jour tu rattrapais la lune
qui fuyait
chaque jour tu approchais de mon silence
pour y mêler le tien
je me voyais poser la main sur une ombre
moi-même j’étais une ombre
sans paupières
nous étions notre propre désert
pierre au vif des sables
et source dans l’amour du monde
nous étions l’oiseau blanc
qui porte le nuage entre ses ailes
nous étions le vol et l’oiseau
fendant le ciel du regard
quand s’abolit la distance
et que renaît le feu
soleil à son lever
chaque jour tu rattrapais la lune
qui fuyait
nous étions la lune et le soleil
et la couleur qui soutient le ciel
et son commencement
nous étions lumière et ténèbres
nous étions la roue
qui assemble le jour et la nuit
nous étions l’homme la femme
et l’enfant que je voyais en toi
chaque jour tu approchais de mon silence
pour y mêler le tien
nous étions la totalité
des voyelles et des consonnes
que scellaient nos bouches de chair
nous étions le feu vif et la cendre
et nos propres décombres
nous étions tout ce qui n’eut pas lieu
et qui dure
Amina Saïd
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