• Henri Michaux

    Henri Michaux (1899 - 1984) est un poète belge naturalisé français. Il fait alors de nombreux voyages: en Asie, en Amérique du Sud. Il travaille aussi le dessin qui lui apparaît comme plus libérateur. Mais pour parvenir à l'exploration intégrale de ses "propriétés" (les espaces du dedans) et tenter de se débarrasser, le plus possible, des contraintes du dehors, il utilise des drogues. Il s'aperçoit que ce procédé n'est qu'un misérable miracle et abandonne ses tentatives. Jusqu'au bout, Michaux poursuivra inlassablement la recherche d'un équilibre qui ne s'établisse pas au prix de la négation de soi.

     

    Paysages paisibles ou désolés.
    Paysages de la route de la vie plutôt que de la surface de la Terre.
    Paysages du Temps qui coule lentement, presque immobile et parfois comme en arrière.
    Paysages des lambeaux, des nerfs lacérés, des "saudades".
    Paysages pour couvrir les plaies, l'acier, l'éclat, le mal, l'époque, la corde au cou, la mobilisation.
    Paysages pour abolir les cris.
    Paysages comme on se tire un drap sur la tête.

    Henri Michaux


    votre commentaire
  • Carmen Boullosa

    Carmen Boullosa (1954 - ) est une poétesse, romancière et dramaturge majeure de la littérature mexicaine contemporaine. Son œuvre éclectique et inclassable aborde généralement les questions du féminisme et du rôle des genres dans le contexte latino-américain. Ses écrits ont été salués par un grand nombre d’auteurs essentiels, parmi lesquels Carlos Fuentes, Alma Guillermoprieto ou Elena Poniatowska

     

     

     

    Tu n’es pas la plume

    qui au vent s’incline

    ni le tiède cou de l’oie,

    ni la peau de la timide pêche:

    tu es la greffe de toute cette tendresse

    dans la force de la forêt,

    dans le saut d’un félin traqué.

     

    Carmen Boullosa


    votre commentaire
  • Victor Segalen

    Victor Segalen (1878 - 1919 ) est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il séjourne à Tahiti en 1903 et 1904. Lors d’une escale aux îles Marquises, il a l’occasion d’acheter les derniers croquis de Paul Gauguin. En 1908, il part en Chine où il soigne les victimes de l’épidémie de peste de Mandchourie. En 1910, il décide de s’installer en Chine avec sa femme et son fils. La première édition de « Stèles » a lieu à Pékin en 1912.. Il renouvelle le genre de l’exotisme alors encore trop naïf et ethnocentrique. Il meurt en 1919 dans la forêt de Huelgoat, un exemplaire de Hamlet à la main.

     

     

    Mon amante a les vertus de l’eau : un sourire clair, des gestes coulants, une voix pure et chantant goutte à goutte.

    Et quand parfois, — malgré moi — du feu passe dans mon regard, elle sait comment on l’attise en frémissant : eau jetée sur les charbons rouges.

     

    Mon eau vive, la voici répandue, toute, sur la terre ! Elle glisse, elle me fuit ; — et j’ai soif, et je cours après elle.

    De mes mains je fais une coupe. De mes deux mains je l’étanche avec ivresse, je l’étreins, je la porte à mes lèvres :

    Et j’avale une poignée de boue.

     

    Victor Segalen


    votre commentaire
  • Pentti Saarikoski

    Pentti Ilmari Saarikoski (à droite sur la photo) (1937 - 1983) est l'un des écrivains finlandais majeurs de l'après-guerre. L'ouvrage qui a rendu Saarikoski célèbre est Mitä tapahtuu todella? (« qu'est-ce qui se passe vraiment ? ») publiée en 1962. Il débutait une nouvelle ère de la culture finnoise, posant les bases de la poésie participative, un style dont les adeptes insistaient sur le fait que les poètes doivent par leur travail participer à la politique.

     

     

     

     

     

    J’ai bu le thé du soir,
    j’ai lu,
    je me suis assis sur le débarcadère,
    j’ai essayé de deviner ce qu’on faisait dans les autres maisons,
    j’ai regardé vers le bas avec ma lampe de poche,
    les perches tournoyaient dans l’eau,
    une écrevisse déambulait au fond,
    j’ai regardé le ciel,
    pour voir si l’automne était proche,
    je suis entré,
    j’ai monté l’escalier,
    j’étais calme comme devant la mort,
    il y avait une couverture rouge sur le lit de l’enfant,
    il était si touchant avec sa main sous la nuque,
    je suis allé dans la cour,
    je suis rentré,
    c’était déjà la nuit,
    j’étais assis et je regardais au-dehors par-dessus la tête de Staline.

     

    Pentti Saarikoski


    votre commentaire
  • Ellen Niit

    Ellen Niit  (1928 - 2016) était une écrivaine estonienne, poète et traductrice pour enfants. Au cours de sa vie, elle a écrit plus de quarante livres de prose et de poésie pour enfants. Elle a également écrit un certain nombre de recueils de prose et de poésie pour adultes. Ses œuvres ont été traduites en dix-huit langues.

     

     

    J’AI CONNU DEUX GROS CAILLOUX
     
    J’ai connu deux gros cailloux.
    Nous étions très proches, eux et moi.
     
    Je m’entretenais souvent avec eux.
    Nous échangions des idées
    sur la vie des vers de terre
    sur les dessous
    plutôt herbus ou fort moussus
    et sur la maturation des noisettes.
     
    Ils vivaient dans une noiseraie.
    Au cœur même du bosquet.
    Les noisettes n’avaient aucun secret pour eux
    du chaton au noyau,
    de la mort à la naissance,
    de bout en bout.
     
    Eux aussi, je crois qu’ils avaient
    un noyau et une coquille.
     
    Parfois les noisettes leur tombaient dessus.
    Ils trouvaient cela très drôle.
    Alors je les voyais glousser
    et rire intérieurement.
    C’est le rire typique des cailloux.

     

    Ellen Niit 


    votre commentaire
  • Kim So-wŏl

    Kim So-weolo-wol (1902-1934) est un poète coréen ayant apporté une grande contribution à la poésie moderne en Corée. Son style rappelle le rythme et les thèmes des chansons populaires et traditionnelles de Corée. Fleurs d'azalée est l’un de ses poèmes les plus connus. La musicalité populaire qui imprègne ses poèmes lui a valu d’être considéré comme le « poète des chansons folkloriques».

     

     

     

     

    Lorsque, agacé de me voir,
    Vous me quitterez,
    Sans un mot, doucement, je me résignerai à vous laisser partir.
    Les fleurs d’azalée
    Du mont Yak à Yeongbyeon
    Je me résignerai à les répandre à pleines brassées, sur le chemin que vous prendrez.
    À chacun de vos pas,
    S’il vous plaît, partez en foulant légèrement
    Ces fleurs éparses.

     

    Kim So-wŏl


    votre commentaire
  • Eavan Boland

    Eavan Frances Boland (1944 - 2020) était un poète, auteur et professeur irlandais. Elle était professeur à l'Université de Stanford, où elle avait enseigné à partir de 1996. Son travail traite de l'identité nationale irlandaise et du rôle des femmes dans l'histoire irlandaise. Elle a reçu le prix littéraire Lannan de poésie .

     

     

    QUARANTAINE

    À la pire heure de la pire saison
    de la pire année de tout un peuple
    un homme quitta l’asile des pauvres en compagnie de sa femme.
    Il se mit à marcher, ils marchèrent ensemble, vers le Nord.

    Mais la famine la rendait si fiévreuse qu’elle ne put le suivre.
    Alors il la souleva, la porta sur son dos.
    Il marcha ainsi vers l’ouest, l’ouest encore, enfin le nord.
    Jusqu’à ce qu’à la tombée de la nuit, ils fissent halte sous le firmament gelé.

    Au matin, on les retrouva morts tous les deux.
    De froid. De faim. Victimes de toutes les toxines de l’histoire.
    Mais elle avait les pieds serrés contre sa poitrine à lui
    Qui lui avait offert la chaleur de son corps en ultime cadeau.

    Ce seuil, ce n’est pas à un poème d’amour de le franchir.
    Pas de place ici pour l’éloge imparfait
    des grâces faciles et de la sensualité du corps.
    Seulement le temps de faire l’inventaire impitoyable qui suit :

    Leur mort, à tous deux, pendant l’hiver 1847.
    Leur degré de souffrance. Leur vie.
    Le lien qui peut unir un homme à une femme.
    Et les heures sombres où l’on en donne la plus belle preuve.


    Eavan Boland


    votre commentaire

  • votre commentaire
  • Georges Bonnet

    Georges Bonnet (1919 - ), professeur d'éducation physique a publié son premier livre de poèmes à 45 ans et son second à 64 ans Il avait plus de 80 ans lorsqu'il a publié son premier roman Il vit à Poitiers (Vienne). Même en prose, il reste avant tout un poète. Son récit bouleversant, véritable chant d'amour consacré à son épouse atteinte d'une forme de maladie d'Alzheimer (Entre deux mots la nuit) est un des plus beaux textes littéraires français consacrés à cette maladie. À 97 ans, il publie son nouveau et dernier recueil « Juste avant la nuit »

     

     

    Surtout ne pas garder une tête de pluie comme

    l'oiseau qui a perdu ses ailes

     

    Car le jardin ce matin est beau jusqu'au sourire

    et j'entre de plain-pied dans un monde secret

     

    Où les choses les plus humbles

    parlent à voix basse et signent d'une croix

     

     

    Georges Bonnet

     

    Pour en savoir plus sur Georges Bonnet, voici une vidéo prise chez lui en 2012 :


    votre commentaire
  • (Refrain)

    Non non tu n'as pas de nom
    Non tu n'as pas d'existence
    Tu n'es que ce qu'on en pense
    Non non tu n'as pas de nom 


    Oh non tu n'es pas un être
    Tu le deviendrais peut-être
    Si je te donnais asile
    Si c'était moins difficile
    S'il me suffisait d'attendre
    De voir mon ventre se tendre
    Si ce n'était pas un piège
    Ou quel douteux sortilège

    [Refrain]

    Savent-ils que ça transforme
    L'esprit autant que la forme
    Qu'on te porte dans la tête
    Que jamais ça ne s'arrête
    Tu ne seras pas mon centre
    Que savent-ils de mon ventre
    Pensent-ils qu'on en dispose ?
    Quand je suis tant d'autres choses

    [Refrain]

    Déjà tu me mobilises
    Je sens que je m'amenuise
    Et d'instinct je te résiste
    Depuis si longtemps j'existe
    Depuis si longtemps je t'aime
    Mais je te veux sans problème
    Aujourd'hui je te refuse
    Qui sont-ils ceux qui m'accusent ?

    [Refrain]

    À supposer que tu vives
    Tu n'es rien sans ta captive
    Mais as-tu plus d'importance ?
    Plus de poids qu'une semence
    Oh ce n'est pas une fête
    C'est plutôt une défaite
    Mais c'est la mienne et j'estime
    Qu'il y a bien deux victimes

    [Refrain]

    Ils en ont bien de la chance
    Ceux qui croient que ça se pense
    Ça se hurle, ça se souffre
    C'est la mort et c'est le gouffre
    C'est la solitude blanche
    C'est la chute, l'avalanche
    C'est le désert qui s'égrène
    Larme à larme, peine à peine

    [Refrain]

    Quiconque se mettra entre
    Mon existence et mon ventre
    N'aura que mépris ou haine
    Me mettra au rang des chiennes
    C'est une bataille lasse
    Qui me laissera des traces
    Mais de traces je suis faite
    Et de coups et de défaites

    [Refrain]


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique