• Martine Audet

    Née à Montréal en 1961, Martine Audet est l’auteure d’une dizaine de recueils de poésie et de deux albums pour enfants. Elle lie parfois la peinture et la photographie à son travail d’écriture et a illustré « L’oiseau, le vieux-port et le charpentier » de Michel Van Schendel.

     

    La lumière et son lieu

     

    le soleil rince la première herbe

    du dégel

     

    tes mains pèsent

    à l’endroit du cœur

     

    à la place des neiges

    sont légères

    tes mains

     

    un ravissement de ton œil

    agrandit l’espace

     

    la lune tombe

    ou s’élève

     

    des rangées d’étoiles se jouent

    de mes calculs

     

    je ne demande rien

     

    dans ta pensée

    j’existe

     

    ta pensée est matière

    à étonnement

     

    je noue à mon poignet

    l’amour de tes mains nues

     

    sois le jour

    dans ce jour

    où il n’y a rien

     

    demain les oiseaux

    ne m’épargneront pas

     

    le soleil bat à deux doigts

    de nous

     

    feuille sombre

    où tu poses pied

    le vertige change de peau

     

    aveugle encore la rose

    tu apportes le vent

     

    je te parle tout bas

    le soleil est aimé

     

    Martine Audet


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  • Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,
    Un feu pour être, son ami,
    Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver
    Un feu pour vivre mieux.

    Je lui donnai ce que le jour m'avait donné :
    Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
    Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
    Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.

    Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,
    Au seul parfum de leur chaleur;
    J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
    Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.

    Paul Eluard


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  • Gisèle Prassinos

    Gisèle Prassinos (née en 1920 à Constantinople - morte en 2015 à Paris) est une poétesse, romancière, nouvelliste et artiste plasticienne. Ses premiers poèmes écrits à quatorze ans furent aussitôt admirés par les surréalistes.

     

     

     

     

    Neige

     

    Il paraît que le ciel et la terre
    vont se marier.
    Avant l’aube le fiancé
    sur sa fille
    a jeté son voile de mousse
    lentement et sans bruit
    pour ne pas l’éveiller.

    Elle sommeille encore il est tôt
    mais déjà exaltés
    impatients d’aller à la noce
    les arbres ont mis leur gants
    par milliers
    et les maisons leurs chapeaux blancs.

     

    Gisèle Prassinos


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  • Francis Jammes

    Francis Jammes (1868-1938) est un poète, romancier, dramaturge et critique français, connu principalement pour sa poésie faisant l’éloge de la simplicité d’une vie campagnarde. Sa poésie, pleine d’une simplicité et sincérité désarmantes, exalte la beauté de la nature, les vertus de la vie familiale, l’adoration de Dieu et de la création.

     

     

     

    Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens

    de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses

    au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce?

    J’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien.

     

    J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre,

    pendant que la neige lourde tombait dehors.

    J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors

    je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre.

     

    Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.

    Mais moi j’étais bête parce que ces choses

    ne pouvaient pas changer et que c’est une pose

    de vouloir chasser les choses que nous savons.

     

    Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous? C’est drôle;

    nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas

    et cependant nous les comprenons, et les pas

    d’un ami sont plus doux que de douces paroles.

     

    On a baptisé les étoiles sans penser

    qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres

    qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre

    passeront, ne les forceront pas à passer.

     

    Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses

    de l’an dernier? À peine si je m’en souviens.

    Je dirais : laissez-moi tranquille, ce n’est rien,

    si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce?

     

    Francis Jammes


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  • Alain Bosquet "Les mois de l'année"

    Anatole Bisk, dit Alain Bosquet, né à Odessa (Ukraine) en 1919 et mort à Paris en 1998, est un poète et écrivain français d'origine russe. Parmi les principaux livres de poèmes, tous parus chez Gallimard, on compte Poèmes, un, Poèmes, deux, Sonnets pour une fin de siècle, Un jour après la vie, Le Tourment de Dieu, Bourreaux et acrobates, Je ne suis pas un poète d'eau douce. Naturalisé français en 1980, il est élu membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 1986.

      

     

    Les mois de l’année

     

    Janvier pour dire à l’année « bonjour »
    Février pour dire à la neige « il faut fondre »
    Mars pour dire à l’oiseau migrateur « reviens »
    Avril pour dire à la fleur « ouvre-toi »
    Mai pour dire « ouvriers nos amis »
    Juin pour dire à la mer « emporte-nous très loin »
    Juillet pour dire au soleil « c’est ta saison »
    Août pour dire « l’homme est heureux d’être homme »
    Septembre pour dire au blé « change-toi en or »
    Octobre pour dire « camarades la liberté »
    Novembre pour dire aux arbres « déshabillez-vous »
    Décembre pour dire à l’année « adieu, bonne chance. »
    Et douze mois de plus par an, mon fils,
    Pour te dire que je t’aime.

     

    Alain Bosquet 


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  • Rosemonde Gérard "Bonne année"

    Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard, née en 1866 à Paris où elle est morte en 1953, est une poétesse  et comédienne française. Elle fut l'épouse d'Edmond Rostand.

     

     

     

     

    Bonne année

     

    Bonne année à toutes les choses,
    Au monde, à la mer, aux forêts.
    Bonne année à toutes les roses
    Que l’hiver prépare en secret.

     

    Bonne année à tous ceux qui m’aiment
    Et qui m’entendent ici-bas.
    Et bonne année aussi, quand même,
    À tous ceux qui ne m’aiment pas.

     

    Rosemonde Gérard


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  • Louisa PaulinLouisa Paulin, née en 1888 à Réalmont, dans le Tarn, et morte en 1944 dans la même commune, est une institutrice et poétesse d'expression française et occitane.

     

     

     

     

    La nouvelle année

     

    Nouvelle année, année nouvelle,
    Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ?
    J’ai quatre demoiselles
    Toutes grandes et belles.
    La plus jeune est en dentelles.
    La seconde en épis.
    La cadette est en fruits,
    Et la dernière en neige.
    Voyez le beau cortège !
    Nous chantons, nous dansons
    La ronde des saisons.

     

    Louisa Paulin


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  • Nashmia Noormohamed "Un coin pour s'aimer"

    Nashmia Noormohamed est née en 1977, à l’Ile Maurice. Elle a passé toute son enfance en Afrique de l’Ouest. Elle a étudié quelques années à l’Ile de La Réunion et en Angleterre, avant de venir en Suisse, où elle vit depuis 17 ans. Elle a commencé à écrire il y a 20 ans, occasionnellement. La littérature et l’écriture sont son jardin secret, où les mots la transportent vers d’autres horizons, et à travers ces errances, se révèle une perception nouvelle.

     

    Un coin pour s’aimer

     

    C’est ce banc dans un jardin, c’est cette pierre sur le chemin, c’est ce coin dans un couloir, c’est cette marche sur l’escalier, c’est cet arbre dans un parc, c’est cet ascenseur dans l’immeuble, c’est cet endroit-là, celui du premier baiser.

    Et ces lieux, sont les témoins de ces amours, ils voient passer les amants au premier jour de leurs idylles, ils entendent leurs innocentes et tendres promesses, soufflées à l’aube de leurs naissantes romances juvéniles.

    Et en ces lieux si souverains, l’amour si jeune, habite l’instant, il s’approprie ces espaces temporels, il s’installe dans ces théâtres, ses quartiers, pour l’éternité, y loge tous ses espoirs et tous ses rêves, ses futurs souvenirs envoûtés.

    Et c’est ainsi, qu’un beau jour, rien qu’en entendant évoquer, ne serait-ce que le nom d’un de ces lieux magiques et sacrés, les souvenirs battent le rappel; un pincement au coeur et le regard vague, l’amant se souvient la passade, si fugace fût-elle.

     

    Nashmia Noormohamed


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  • Edmond Rostand "Les rois mages"

    Edmond Rostand, né en 1868 à Marseille et mort en 1918 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète et essayiste français. Il est l'auteur de l'une des pièces les plus connues du théâtre français, Cyrano de Bergerac, l'époux de la poétesse Rosemonde Gérard et le père de l'écrivain, biologiste et académicien français Jean Rostand.

     

     

     

     

    Les Rois Mages

     

    Ils perdirent l'étoile, un soir ; pourquoi perd-on
    L'étoile ? Pour l'avoir parfois trop regardée,
    Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée,
    Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.
    Ils firent des calculs, grattèrent leur menton,
    Mais l'étoile avait fui, comme fuit une idée.
    Et ces hommes dont l'âme eût soif d'être guidée
    Pleurèrent, en dressant des tentes de coton.
    Mais le pauvre Roi noir, méprisé des deux autres,
    Se dit "Pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres,
    Il faut donner quand même à boire aux animaux."
    Et, tandis qu'il tenait son seau d'eau par son anse,
    Dans l'humble rond de ciel où buvaient les chameaux
    Il vit l'étoile d'or, qui dansait en silence.

      

    Edmond Rostand


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  • Ester Granek

    Esther Granek (née le 7 avril 1927 à Bruxelles et morte le 9 mai 2016 à Tel Aviv) est une poétesse belgo-israélienne francophone, survivante de la Shoah.

     

     

     

     

    Vous aviez dit, vous aviez dit,
    maîtres de nos jeunes années,
    devant vos classes d’enfants soumis,
    vous aviez dit et répété
    afin que nul jamais n’oublie
    et qu’on en soit bien imprégné :
     » Tant aujourd’hui, demain, qu’hier,
    bien mal acquis ne profite guère. »

     

    Fallait quand même nous prévenir,
    maîtres de nos jeunes années.
    En douce, eh oui, fallait nous dire
    que bien mal acquis prolifère
    et que de sa nature prospère
    lui vient visage de vertu
    ainsi que formes qu’on vénère.
    Un peu trop tard on l’aura su…

     

    Esther Granek


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