• Clara Lagacé

    Clara Lagacé cherche à capter des instantanés du quotidien magnifiés grâce à la mise en vers. Elle explore d’autres formes de création : des suites poétiques pour des lectures. Diverses expériences lui ont permis de confirmer son intérêt pour les prises de parole dont on se réclame afin de faire sens de notre appartenance au monde.

     

    l’Outaouais

     

    sur les rives de l’Outaouais

    bercées par le lait chaud au miel lorsque malades

    nous avons grandi

    loin des rabrouages inutiles

    près de l’esplanade sablonneuse de la marina

    où survenaient les compétitions hivernales de crazy carpet

    de haute vitesse

     

    errant dans les parages connus

    nous jouions dans les bois aux reliefs multiples

    dûment cartographiés lors des jours de pluie alors que

    nous étions entourées d’anciens sourires

    en noir et blanc

     

    l’automne les pommes

    volées furtivement au verger

    par le trou dans la clôture

    sucraient le retour à la salle de classe

    où je dévorais les livres par dix

    nombre maximal hebdomadaire de la bibliothèque

     

    plus tard nous avons rêvé de boîtes en carton de balcons partagés

    avec des inconnues

    sur les rives de l’Outaouais

    avec chaque saison nouvelle l’étau

    se resserrait doucereusement

     

    chacune à dix-neuf ans

    nous sommes parties

     

    il est routinier ici de déplacer

    d’égarer son futur

     

    Clara Lagacé


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  • Jacques Barbaut

    Jacques Barbaut est un écrivain et poète français, né en 1960 dans le Pas-de-Calais. Sa poésie, visuelle et sonore, malicieuse et savante, alterne entre absurde et extrême minutie. Elle est souvent considéré comme inclassable et singulière.

     

     

     

    Clément adhère

    Alphonse allait et Charles traînait

    Saint-John perce et François bouchait

    François clouait et Henri calait

    Gustave courbait

    Ambroise parait

    Gabriel forait et David guetta

    Jean-Pierre rive et Alain calma

    Henri cochait et Steffi graffe

    Léo ferrait et Jean ferra

    Georgette plana

    Georges marchait

    Simone s’ignorait et Henry fonda

    Jacques jouait et dérida

    Eric cantonna et Jean-Claude qui lit

    Marcel et Anouk aimaient

    Julien coupa

    Mathilde et Emmanuelle saignaient

    Gustave et Julien doraient

    Charles attend, Martin part et Louis vint

    Claude sautait et Jacques rivette

    Jean prouvait, Pierre paierait (Benjamin aussi)

    Jean jeûnait et Gérard massait

    Philippe-Jacques ôtait

    Marie redonnait

    Édouard levait

    Frank zappa

    Mata a ri

    Boby la pointe

    Nicolas boit l’eau

    les Frères griment

    le Capitaine fracasse

    Alfred a d’ l’air

    Auguste conte et Roger-Gilbert le compte

    Truman capote et Sophie cale

    Lucien Lévy brûle et Maurice en rit

    Patricia casse

    Roger la porte

    Nat King colle

    King vit d’or

    Erich Maria remarque

    Max planque, Johnny cache et Tatiana trouvait

    Paul-Armand jette

    Pierre et Henri bêlent

    Joan baise

    Carla brunit

    Hugo bosse et Eugène sue

    Jules va, laisse

    Jean, faut trier

    Guy l’éclaire

    Johnny a l’idée et Nathalie bâille

    Christophe mit au sec

    Michel serre & pique au lit

    Lino vend, tuera

    James en sort

    Simon entaille et Pierre soulage

    Édouard glissant, Raphaël confiant

    Jacques chancelle et Alberto tomba

    Harvey qu’est tel, et Léa, c’est doux

    Samuel becquette et Buster qui tonne !

    Georges braque, bataille

    Primo, Bernard-Henri les vit

    Simone veille

    Guiseppe verdit

    J’enracine

    Pierre reverdit

    Georges sera

    Mack, c’est net ! et Jérôme, ça varie

    Nathalie, ça rote

     

    Anselm, qu’y faire ?

     

    Norman, faut s’ taire !

     

    Keith ? j’arrête !

     

    Jacques Barbaut


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  • Cécile Sauvage

    Cécile Sauvage, « poétesse de la maternité » née à La Roche-sur-Yon (1883-1927), est un écrivain français, épouse de Pierre Messiaen et mère d’Alain et d’Olivier Messiaen qu’elle éleva, selon ce dernier, dans un « univers féerique ». Elle vécut la majeure partie de sa vie à Saint-Étienne.

     

     

     

    Je me souviens de mon enfance
    Et du silence où j’avais froid ;
    J’ai tant senti peser sur moi
    Le regard de l’indifférence.

     

    Ô jeunesse, je te revois
    Toute petite et repliée,
    Assise et recueillant les voix
    De ton âme presque oubliée.

     

    Cécile Sauvage


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  • Yves Bonnefoy

    Yves Bonnefoy (1923 - 2016), est un poète, critique d'art et traducteur français. Il est considéré comme un poète majeur de la seconde moitié du xxe et du début du xxie siècle.

     

     

     

    Lucrèce le savait :
    Ouvre le coffre,
    Tu verras, il est plein de neige
    Qui tourbillonne. 

    Et parfois deux flocons
    Se rencontrent, s’unissent,
    Ou bien l’un se détourne, gracieusement
    Dans son peu de mort. 

    D’où vient qu’il fasse clair
    Dans quelques mots
    Quand l’un n’est que la nuit,
    L’autre, qu’un rêve ? 

    D’où viennent ces deux ombres
    Qui vont, riant,
    Et l’une emmitouflée
    D’une laine rouge ?

     

    Yves Bonnefoy


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  • Violette Krikorian

    Violette Krikorian (née en 1962 à Téhéran) est une poétesse arménienne. C’est « une figure de proue, une diablesse arménienne ». Il faut dire que jamais en Arménie une poétesse n’a déclenché de tels scandales par sa poésie au langage direct et cru. Elle a fait « paraître un poème de femme dans une société bâtie comme une forteresse arrogante par des hommes »…

     

     

    AUTOCONFIRMATION

    Mouvante, plus mouvante que le destin du sable,
    rouge, plus rouge que le destin de la rose,
    humide, plus humide que le destin de l'eau, je suis mouvante,
          rouge, humide ;
    rouge, humide, je suis mouvante,
    donc j'existe.
    Mes veines : lacets
    nouant le fagot blanc de mes os
    à ma colonne vertébrale comme à un mât.
    Ma colonne vertébrale est très belle,
    donc j'existe.
    Mes yeux: deux aquariums remplis de lait
    où nagent, tournent et frétillent
    deux petits poissons vifs, à la queue de velours.
    Mes petits poissons vifs nagent toujours,
    donc j'existe.
    Ma bouche: coffret ornementé, aux deux battants clos,
    où s'alignent encore, en uniforme de nacre,
    trente fidèles et vaillants soldats.
    Mes soldats sont debout,
    donc j'existe.
    Ne pas être triste.
    Me souvenir [...]

     

    Violette Krikorian


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  • Tudor Arghezi

    Tudor Arghezi , né en 1880 à Bucarest et mort en 1967 dans la même ville, est un écrivain roumain principalement connu pour ses œuvres poétiques et sa littérature pour enfants. Il est considéré comme l'un des plus importants écrivains de littérature roumaine du xxème siècle.

     

     

     

     

    Crayon

     

    J’aime ton visage

    Et tes yeux de lac pur

    Où se reflètent

    L’arbre et l’azur.

     

    J’aime ton sourire

    Comme la pierre du tréfonds

    Où nagent de longs poissons

    Blancs, à l’œil rond.

     

    Ta tête je l’aime, tu sais,

    Rivage plein de roseaux

    Où dorment les araignées

    Sur les duvets des cieux.

     

    Ton être tout entier

    De chagrin et de joie,

    Pourquoi devrais-je l’aimer?

    Il ne le faudrait pas…

     

    Tudor Arghezi


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  • Kiki Dimoula

    Vasilikí Dimoulá, dite Kikí Dimoulá, née Athènes en 1931 et morte en 2020 dans la même ville, est une poétesse et essayiste grecque. Elle a reçu le prix européen de littérature en 2009 pour l'ensemble de son œuvre.

     

    MON DERNIER CORPS

     

    C'est à toi, Soudain, que je m'adresse.

    À toi, Soudain nourri de rêve,

    beau gosse, d'une bravoure folle,

    enfant bâtard de causes inconnues,

    qui préserves

    du Rare la rareté,

    montrant une granitique indifférence

    pour la passion lascive, douloureuse,

    que nourrit pour toi la Fréquence.

    Étincelle du frottement têtu

    d'une attente contre un renoncement,

    que tu abreuves de carafes et de soifs

    sans recours aux sources, aux fontaines.

    Temps venu de Dieu,

    petit corps

    qui accumules ta force monstrueuse

    en accumulant des lenteurs,

    Messie en un seul mot,

    séisme qui abats

    nos Invariables antisismiques,

    c'est à toi, Soudain, Intercession porteuse du monde,

    que déchirée je m'adresse

    pour que tu viennes délivrer

    mon dernier corps ici-haut

    délivrer

    sa palpitation asservie

    des mains du plus cruel

    du plus sanguinaire

    du plus paranoïaque des maîtres que j'ai eus

    nommé debout-assis

    debout-assis

    debout-assis...

     

    Kiki Dimoula


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  • Humberto Ak’abal

    Humberto Ak'abal (1952- 2019), était un poète maya kiché du Guatemala. Akʼabʼal a écrit dans sa langue natale de Kʼicheʼ , puis a traduit sa poésie en espagnol. Avec les traductions de ses œuvres dans de nombreuses langues et une reconnaissance internationale, Ak'ab'al est considéré comme "le poète Maya Ki'che" le plus renommé au monde et l'un des écrivains guatémaltèques les plus connus d'Europe et d'Amérique latine.

     

     

    Là-bas
    où moi je suis né,

    c'est le seul lieu
    où l'on peut s'appuyer sur la nuit
    comme sur une balustrade

    pour ne pas tomber
    dans l'obscurité.

     

    Humberto Ak’abal


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  • Zoé Valdés

    Zoé Valdés (Cuba, 1959) est romancière, poète et scénographe. Depuis le milieu des années 90, elle opte pour la nationalité espagnole et vit en exil à Paris. Elle est devenue persona non grata à La Havane.. Depuis l’âge de onze ans elle écrit régulièrement des poèmes. 

     

     

    Le vice

    Le vice de savoir partir
    et de rester
    Avec les yeux maltraités
    Ciller pendant le sommeil
    Absorbée dans l’abyme
    Figées les pupilles
    Sur les ailes trouées
    D’un papillon empoisonné

    Le vice de graver un baiser
    Sur ta nuque
    Rigide

     

    Zoé Valdés


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